Fins de cycle

Minskilara
3 min readMar 17, 2021

écrits pour clore

Il me répétait que je faisais preuve de transparence et ça sonnait comme un compliment. Je ne me posais pas de questions – jusqu’au jour où il m’a dit que je manquais de leadership. L’irruption marquée du vocabulaire politique dans le champ sentimental a suffi à assainir le peu de désir que j’entretenais.

Une soirée avec des inconnus : je me sens plus d’affinités avec ceux qui ne font pas d’efforts, qui n’essayent pas trop fort ; revirement par rapport à d’habitude où je valorise plutôt ceux qui jouent de leur image. Où je m’aperçois que mon plaisir à côtoyer les autres tient dans la balance assez arbitraire entre ce que je perçois être une intention juste de leurs gestes et une forme d’adaptation aux circonstances.

Elle avait des avis très tranchés, y compris concernant mes choix de vie. Je les écoutais toujours parce qu’elle était une des rares personnes à me donner une opinion brute. Un jour, c’est toute ma perception qui a changé. Je ne cherchais plus dans l’amitié la manifestation d’une orientation ou d’une inflexion face à mes doutes — plutôt qu’on me donne l’occasion d’y travailler seule.

On avait renoué depuis deux ans et il me racontait beaucoup d’histoires. Un jour je me suis interrogée sur leur véracité, mais ça n’a duré qu’un instant car c’était sans importance : je ne voulais fréquenter que des conteurs.

J’avais été convoquée à un entretien pour un travail que je n’étais même pas sûre de vouloir. J’avais deux bus à prendre : arrivée à mi-chemin, j’ai raté ma correspondance de quelques minutes.

Le prochain bus était dans trois heures. Le moment de latence durant lequel j’ai pris le temps de m’interroger (j’attends ?J’attends pas ?) a été bref : dix minutes, le temps que le bus me ramenant à mon point de départ arrive.

J’avais passé deux heures de ma journée à faire une boucle en transport en commun. Ça n’avait pas de sens, et pourtant c’était nécessaire : il avait fallu que je parcoure la moitié du chemin pour arriver à me formuler mon propre désintérêt.

J’aime collectionner ; photos trouvées, tickets de cinéma, prospectus de marabouts : les amasser et les trier selon un classement, qui comme pour chaque collectionneur, m’est propre.

Chaque tas est tout à fait singulier et profondément banal. Il porte en lui une volonté d’exhaustivité mise à mal à chaque nouvel apport : les possibles me survivront, voilà ce que dit la collection.

Face à une parole grouillante, j’ai opéré un mouvement de retrait — non étudié mais nécessaire. Les discours me sont apparus vains, non pas les mots qui maintenaient une certaine authenticité, mais je percevais comme stérile tout ce qui impliquait une adresse.

Comme c’était un paradoxe en pratique indissociable, je me suis remise à parler.

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