Postérité du cocon

Minskilara
13 min readMar 13, 2021

Une histoire d’éclosion

copyright Minskilara

J’avais treize ans lorsqu’on me décela un lymphome à la moelle osseuse, affaiblissant de fait mes défenses immunitaires. Je passai quasiment un an à l’hôpital pour y recevoir plusieurs traitements, dont le principal consistait en une chimiothérapie agressive. J’avais compris que la possibilité que j’avais de mourir était grande sans que cette pensée ne devienne quotidiennement invasive. Un mois après le début des traitements, je compris la nécessité de combler ce temps de latence par des activités qui pourraient m’éloigner de la maladie.

Mes parents, dont j’étais le seul enfant, tentaient au mieux de combler la douleur engendrée par l’altération de mon état et dont ils endossaient la faute. J’ai rapidement eu l’impression de vivre ce que mes amies aux parents divorcés me racontaient : des cadeaux étaient sans cesse déposés dans ma chambre et chaque demande que je pouvais formuler produisait une réaction presque immédiate. Je portais déjà un intérêt aux insectes holométaboles, et ce depuis mes onze ans.

Mes parents, tous deux professeurs d’histoire, n’avaient jamais manifesté d’attirance particulière pour la biologie et l’importance que j’avais accordée assez tôt aux insectes à métamorphose complète n’eut que peu de résonnance autour de moi. Ma mère me fit donc une surprise lorsqu’elle me ramena un jour une encyclopédie illustrée sur les papillons. Le livre comportait une quantité impressionnante d’images et c’est ce qui l’avait poussée à l’acheter, croyant m’offrir un ouvrage de vulgarisation. C’était en réalité une encyclopédie très documentée et destinée à un public déjà averti : les cycles biologiques par lesquels passent les différentes espèces y étaient décrits de manière très détaillée. Constatant ma passion s’accroître grâce à ce cadeau, ma chambre fut assez rapidement remplie de livres sur les papillons, allant de l’encyclopédie illustrée à des traités plus spécifiques d’entomologistes reconnus.

Cet intérêt grandissant eut le bénéfice de me détourner progressivement de la maladie. Chaque aspect de ma vie trouvait une concordance avec le savoir que j’avais assimilé sur les papillons et bien que les liens aient parfois été factices, ils me donnaient une raison — que je ne me disais sans doute pas à l’époque — de persévérer dans une forme de lutte. Je me mis à la même époque à expérimenter des rêves récurrents : le premier connaissait des variations dans la mise en situation mais trouvait le même achèvement ; je perdais mes dents.

Ce n’était ni douloureux ni effrayant mais je constatais en général le même étonnement lorsque, quelques minutes avant de me réveiller, je sentais un corps étranger dans ma bouche et qui m’empêchait de parler. Le deuxième était en revanche plus angoissant et suivait toujours le même scénario : dans une bibliothèque spacieuse où les murs alternaient livres et planches d’environ deux mètres abritant des images, j’observais une femme allongée au sol et qui semblait contempler quelque chose en hauteur. J’y étais en position de témoin et bien qu’il soit dépourvu d’action, je me réveillais toujours avec un sentiment d’impuissance et de vacuité qui persistait une partie de la journée.

A quatorze ans, je fis ma rentrée au collège Albert Camus et repris un mode de vie plus conforme aux normes de mon âge : j’appris à redécouvrir la vie en société et les conversations liées à celle du collège. Je me sentais malgré tout en léger décalage avec mes camarades de classe. En effet, la période durant laquelle j’avais été malade avait été l’occasion pour le gouvernement de mettre en place un projet expérimental visant les jeunes de onze ans et plus.

Ce projet avait pour but de mesurer les effets du raisonnement de l’intelligence à travers une externalisation poussée de la mémoire. A l’âge de dix ans et demi, on implantait chez l’enfant une puce visant à récolter toutes les informations enregistrées par le cerveau. La saturation de mémoire de la puce était atteinte au bout de trente-deux jours, ce qui impliquait un transfert des données sur une plate-forme personnelle mais auxquelles des scientifiques agréés par le gouvernement avaient accès.

Les buts de cette entreprise étaient multiples : il s’agissait de comprendre le processus de mémorisation commun qui pouvait surgir à travers l’étude d’un panel assez large, de mesurer ses évolutions en fonction de l’âge et enfin d’imaginer à terme un enseignement de l’histoire adapté au fonctionnement de la mémoire. L’étude avait été programmée pour dix ans et pouvait se prolonger sur la base du volontariat.

Je fus assez déroutée juste après l’implantation : le temps de ma maladie avait été l’occasion d’assimiler un nombre important de connaissances, notamment concernant les lépidoptères. Or la pose de la puce prenait place dans l’hippocampe, siège transitoire de la mémoire. Une fois que la mémoire de la puce était saturée et qu’il fallait la vider, les données qui n’avaient eu le temps de naviguer jusqu’au cortex n’étaient conservées que dans la puce.

J’observais donc presque tous les mois une partie de ce que ma mémoire n’avait pas eu le temps d’assimiler entièrement s’effacer de mon cerveau. Les données, une fois vidées sur la plateforme, apparaissaient sous forme d’icônes que l’on pouvait classer sous différentes rubriques (émotions, événements, savoir, etc.) s’intégrant ensuite au sein d’une carte en anamorphose.

La manœuvre était assez simple et permettait de classer les informations selon le degré d’importance qu’on leur donnait. Si certaines données pouvaient être reléguées au second plan, aucune n’était autorisée à disparaître complètement de la plateforme.

Conjointement à cela, ma passion pour l’entomologie ne faiblissait pas et une fois le bac en poche, je décidai de me spécialiser en biologie du développement. Il y avait peu de place dans ma vie pour tout ce qui pouvait détourner mon attention de mon intérêt principal, à tel point qu’il arrivait à mes parents de s’en inquiéter, pensant que je développais une obsession proche de la névrose.

Quelques semaines après avoir entamé ma thèse de doctorat, je me mis de nouveau à faire le même rêve de la femme dans la bibliothèque. Il apparaissait de manière aussi récurrente que lors de ma maladie mais ne suscitait plus autant d’angoisse : j’approfondissais des manières de l’apprivoiser qui me permettaient d’adopter différents points de vue, il pouvait par exemple m’arriver de surplomber la scène comme si j’étais suspendue au plafond de la bibliothèque.

Malgré cela, je demeurais dans l’impossibilité de percevoir clairement le visage de la femme allongée ni ce que contenaient les planches : je voyais des images floues de tailles variables juxtaposées les unes aux autres sans que je puisse en faire émerger du sens.

Mes recherches s’axaient de plus en plus vers une orientation sociobiologique du comportement des insectes, dont la ligne directrice était d’expliquer les agissements sociaux (animaux et également humains) sur base du néodarwinisme.

Les recherches en entomologie pure ne me paraissaient pas en effet mener à des avancées concrètes — du moins je ne m’en sentais pas la capacité — alors que l’ouverture à d’autres champs de recherche me semblait plus excitante. Mon directeur de thèse émettait cependant des réserves face à ce choix, craignant une inflexion possible de mon travail vers un réductionnisme biologique dangereux.

J’avais eu ce déclic lorsque j’avais constaté que le terme imago, caractérisant le dernier stade de développement d’un insecte, renvoyait également en psychanalyse aux représentations inconscientes des objets. L’état dans lequel me mettaient mes rêves m’avait poussé à m’intéresser de plus près à la psychanalyse.

Deux mois avant le rendu de ma thèse, on me retira ma puce. Je constatai des changements assez rapidement : d’abord, je dus perdre le réflexe d’aller voir les données engrangées mensuellement dans ma carte-mémoire, ce qui généra une angoisse les premiers temps. Je me rendis compte que mémoriser par moi-même me demandait un effort supplémentaire en comparaison de l’année durant laquelle j’avais été malade et où j’avais paradoxalement appris à digérer et retenir un grand nombre d’informations.

Je mis cela sur le fait que j’avais vieilli et que ma mémoire n’était sans doute pas aussi performante qu’avant. J’avais de plus fait la rencontre d’Antoine, un homme un peu plus âgé que moi et qui travaillait justement dans le pôle de recherches lié au projet expérimental sur la mémoire.

C’était la première fois que je pouvais me projeter pleinement dans un champ qui n’était pas lié à la recherche intellectuelle mais aux affects. Nous nous étions rencontré à une conférence et avions constaté des affinités communes dès le début. Antoine me plaisait, nous avions des discussions intéressantes et il m’ouvrait à des expériences qui étaient jusqu’alors pour moi inconnues.

Nous aimions nous exposer ensemble à ce qu’il appelait « les territoires de l’ivresse ». Nous buvions beaucoup à deux et Antoine aimait dire que c’est sur ce terrain que nous arrivions à atteindre une grande proximité : « moi je vois un passé au présent et toi un présent toujours en cours. Etre ivres ensemble, c’est arriver à confondre tout cela, une manière à nous de cultiver une botanique de la mort ». Je n’étais pas sûre de comprendre ce que cela voulait dire mais je trouvais l’expression jolie — j’appris plus tard qu’il l’avait entendue dans un film.

Antoine était assez circonspect vis-à-vis du projet expérimental : il avait une foi quasi-totale dans le gouvernement et ne pouvait s’imaginer une récupération des données à des fins malveillantes mais s’interrogeait sur la bride que constituait la technologie dans ce cas précis. Selon lui, la saturation de mémoire de la puce engendrerait à long terme une modification biologique de l’hippocampe et impliquerait un rapport plaqué au temps et non plus évolutif. Le cerveau finirait par enregistrer le mécanisme par lequel tout ce qui avait eu lieu dans les trente-deux jours relèverait du passé. Cette révolution dans l’appréhension du temps le contrariait car il réfutait toute idée d’un temps linéaire et homogène : pour lui, l’histoire ne supportait aucune téléologie et n’était faite que d’aller-retours constants. A terme, la puce impliquerait sans doute une pensée du passé par événements, et l’impossibilité pour les individus de se figurer dans un temps étendu. N’étant pas certain de ce qu’il avançait, il continuait de travailler dans le pôle de recherches, ce qui lui permettait de suivre au plus près les avancées du projet.

Quant à moi, je ne pouvais me résoudre à réfuter toute absence de finalité au temps : l’approche philosophique que je pouvais avoir à l’idée d’un sens de l’histoire se rattachait à ma vision de biologiste, sans que je ne me fasse complètement à l’idée d’un matérialisme historique. L’idée que je me faisais d’un sens de l’histoire ne se rattachait à aucune vision politique. L’organisme vivant passe par différentes phases d’évolution dont la finalité se révèle implacablement dans sa finitude, pourquoi le temps n’opérerait-il pas un cheminement du même type ?

Il nous arrivait fréquemment d’argumenter à ce propos lors de nos soirées arrosées. Je n’avais pas un sens aiguisé du débat et il arrivait quasiment tout le temps que je me laisse à la fin de la soirée convaincre par les démonstrations d’Antoine.

« Quand l’heure aura sonné, trois fois dans les accès

Invoque à haute voix la déesse Lucine

Afin que la douleur sans danger se termine »

Scévole de Sainte-Marthe

Un mois avant mon rendu, je me mis à souffrir de fréquentes migraines. Je mis cela sur le compte des heures de travail fournies en vue de ma thèse et des alcoolisations régulières qui s’en étaient suivies au cours des dernières semaines. Au fond de moi, je ressentais une certaine angoisse car il me semblait que mes capacités intellectuelles avaient diminué : je n’arrivais plus à me concentrer que sur des tranches de quarante minutes maximum et j’avais de plus en plus de mal à agencer et mettre en mots des raisonnements qui me paraissaient clairs avant qu’ils ne soient énoncés. Cernant mon mal-être, Antoine me conseilla d’organiser ma pensée par images. Lui-même s’amusait à créer ce qu’il appelait des herbiers, regroupant des images récoltées un peu partout et qu’il s’amusait à organiser selon un thème qu’il s’imposait. Le but était de prolonger de manière ludique le travail qu’il menait autour des processus de mémorisation, en particulier autour des résurgences et des analogies que peut stimuler la vue.

Ce conseil me rebuta : l’industrie de la mémoire était en pleine expansion et nous étions en permanence sollicités par des images. La vague d’attentats qui avait touché le pays au cours des derniers mois avait suscité une montée d’émotion sans pareil. Des organisations terroristes, sous couvert d’un alibi religieux, menaient de façon récurrente — environ tous les deux mois — des actions ciblées visant des civils sur leur lieu de travail ou de loisir. A cela s’ajoutait la transition de plus en plus effective vers une économie grise, fondée sur la redistribution et la prestation par des particuliers de services auparavant pourvus par des professionnels. Ces services touchaient aussi bien les transports que la cuisine, la location d’habitats ou l’aide à la personne. L’Etat avait bien essayé au début de réguler ces flux mais s’était vite retrouvé impuissant face à ce marché parallèle qui se situait dans une zone de droit floue.

Chaque matin, sur le trajet qui me menait chez Georges — mon directeur de thèse qui m’avait accordé un accès illimité à sa bibliothèque dont je profitais abondamment — je devais passer devant des panneaux publicitaires vidéo. Or depuis les attentats, les publicités avaient été remplacées par des portraits photographiques en noir et blanc des victimes y ayant perdu la vie.

Une courte biographie relayait chaque portrait. Cette démarche avait été le fruit d’un référendum orchestré sous l’impulsion d’un groupe de civils s’étant autoproclamés « chevaliers de la commémoration ». La société civile était en passe de prendre le dessus sur le gouvernement, de telle sorte qu’il semblait évident que la conversion vers un système démocratique à représentation directe deviendrait bientôt chose concrète.

J’avais lié avec Georges, mon tuteur, une relation de plus en plus amicale : les discussions que nous partagions autour du domaine de la biologie évolutive avaient progressivement débordé pour s’axer autour de nos vies respectives. Il nous arrivait même parfois d’organiser des dîners à trois avec Antoine. Lorsque ce dernier avait montré ses herbiers à Georges lors d’un dîner chez nous, j’avais pu percevoir chez lui un enthousiasme mêlé d’admiration.

Lorsque je lui expliquais quelques jours plus tard la suggestion d’Antoine pour remédier aux problèmes occasionnés par mes migraines, il n’eut aucune hésitation à me conseiller d’essayer la « méthode des herbiers ». Je décidai donc de profiter de l’accès que j’avais à sa bibliothèque et à l’étendue de l’espace pour y regrouper des banques d’images visant à confronter les différentes espèces d’insectes holométaboles et qui permettait d’interroger leur modularité biologique. La problématique de ma thèse consistait à questionner les variations du développement des insectes dues à leur modularité, c’est-à-dire la place que tient la modification de segments de corps des insectes dus aux facteurs extérieurs dans leur développement final.

Les opérations par lesquelles je confrontais les images les unes aux autres étaient diversifiées : je recadrais, zoomais ou superposais. Les rapports que j’établissais au début étaient assez binaires et rapprochaient généralement deux espèces d’insectes. Une fois que j’eus acquis la méthode, les rapports se complexifièrent et le format A3 sur lequel je travaillais ne fut plus suffisant pour accueillir mes recherches.

Je me mis donc à opérer mes collages sur de grands tableaux que Georges m’avait gentiment prêtés. J’avais dépassé toutes les appréhensions que j’avais eu à émettre une pensée à partir d’images : la méthode du collage était extrêmement stimulante et permettait, grâce à l’unité de l’image, de synthétiser une pluralité d’informations que je n’étais plus en mesure de discerner juste avec les mots.

Je me rendais compte de la puissance de l’image, qui constituait à la fois un tout, un donné et un agrégat d’informations dont la lisibilité demandait une approche plus détaillée : le champ ou la source desquels provenait l’image constituaient autant de connaissances qu’il fallait prendre en compte. Je voyais naître des similitudes entre modularité biologique et sémiologie de l’image : ces champs de recherches interrogeaient de manière complémentaire la question de la perte au sein d’un processus évolutif.

Paradoxalement à cela, je sentais mes capacités intellectuelles s’affaiblir considérablement en ce qui concernait le langage. Il me fallait faire des efforts immenses pour me rappeler d’informations ayant trait à des aspects de ma vie quotidienne ou même à ma thèse.

Il ne s’agissait pas tant d’oublis qu’une impossibilité d’agencer des liens entre des faits et des émotions que je n’avais apparemment pas entièrement assimilés. Antoine et moi buvions beaucoup moins depuis quelques semaines, il était donc clair pour moi que l’amenuisement de mes aptitudes intellectuelles relevait du retrait de ma puce. J’en avais discuté autour de moi avec des gens du même âge qui avaient aussi fait partie de l’expérimentation. La plupart ne s’en inquiétait pas ; une panoplie d’outils à système hypertexte avait vu le jour depuis quelques années, permettant de reproduire artificiellement les mécanismes connus de la mémoire. Il était devenu aisé de déléguer ces fonctions aux machines afin de se ménager du temps disponible pour d’autres tâches.

La manipulation des images, qui devait constituer un tremplin à la poursuite de l’écriture de ma thèse, ne me faisait pas avancer. Les liens que j’établissais étaient de plus en plus paresseux et sans explicitation par le langage, perdaient de leur sens. Je faisais presque tous les soirs le rêve récurrent de la femme allongée, comme s’il s’agissait du seul repère auquel je puisse me référer et me réveillais avec une angoisse profonde au ventre.

J’avais perdu beaucoup de poids et Antoine commençait à s’en inquiéter. J’avais une allure de plus en plus squelettique qui me rappelait la période de mes treize ans. Il m’arrivait de sursauter devant mon reflet quand je constatais que mon corps ne présentait plus aucune harmonie : chaque partie me semblait reliée à l’autre par un segment factice. Les os étaient si apparents que leur fragilité en était flagrante.

Mes recherches commencèrent à me dégoûter. J’avais le sentiment d’arriver à saturation des images : je me sentais agressée dans ma vie quotidienne par les injonctions au souvenir que constituaient les panneaux publics commémoratifs disséminés dans toute la ville. En plus des portraits des victimes des attentats, s’étaient ajoutées des vidéos des attaques, prises par des anonymes. Un climat d’angoisse s’était propagé un peu partout dans le pays et nous étions sans cesse rappelés au fait qu’un nouvel affrontement était inévitable et pouvait avoir lieu n’importe quand, n’importe où.

Mes recherches me paraissaient vaines et j’étais de moins en moins persuadée de l’utilité du recours aux images dans une société qui s’en nourrissait abondamment sans qu’elle s’avère offrir des perspectives inédites à l’horreur de ce que nous vivions.

Je passai la dernière semaine avant le rendu dans la bibliothèque de Georges. J’avais si peu de forces qu’il m’était devenu presque impossible de réaliser les trajets d’aller-retour jusqu’à chez moi. Georges m’avait spontanément aménagé un lit d’appoint et était d’un soutien moral considérable. Je me penchais chaque jour sur une ou deux planches d’images à travers lesquelles j’essayais de forger une ligne directrice.

Lui m’aidait beaucoup en ce qui concernait la rédaction. Le dernier jour, alors que je m’attachais à établir des classifications autour des phanères des lépidoptères, je fus prise de vertiges. La bibliothèque parut se dérober sous mes pieds. Toutes les images de papillons eurent l’air de se dégager du papier pour prendre vie dans la pièce.

J’étais devenue leur cible et leur afflux en masse était terrifiant. Ma faiblesse physique était telle que je n’avais d’autre choix que de les laisser gagner. Je me recroquevillai au centre de la bibliothèque pour échapper à leurs assauts. Me vint à l’esprit l’image de mon rêve — je fus rassurée.

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